Zoom sur Mari Boine
Zoom sur Mari Boine
23 avril 2014 Un commentaire sur Zoom sur Mari BoineAujourd’hui votre Chroniqueur musical se tourne vers l’une des figure majeure de la scène de la world music… Mari Boine
Mari Boine
Mari Boine Persen est une artiste Sami (le nom que se donnent les lapons) qui a fait connaître au monde entier la culture Sami en utilisant le Joik, chant chamanique Sami, dans une musique tour à tour folk, jazz puis électronique World Music.
Communément nous nommons les samis par le terme « lapons », mais ce faisant nous colportons une insulte. Le mot « lapon » vient du suédois « lapp » signifiant « ceux qui portent des haillons », une façon de déprécier ce peuple nomade vivant dans le nord de la Norvège, de la Suède, de la Finlande et sur la péninsule de Kola en Russie. Ce sont une des populations indigènes de l’Europe, les descendants des premiers habitants de la péninsule scandinave. La culture et le mode de vie sami peuvent faire penser au mode de vie des amérindiens ou des inuits. Ils parlent une langue pré-indoeuropéenne (ougro-finnoise) et avaient autrefois une religion chamanique dans laquelle le chant et le tambour tenaient une place centrale.
Le chant Joik est le chant typique de la religion samie, un chant guttural, marqué par des claquements de gorge, le plus souvent chanté à cappella ou accompagné simplement d’un tambour. Une façon de chanter qui rappelle les chants inuits ou les chants amérindiens. Chaque chant Joik décrit l’essence d’une personne, d’un lieu ou d’un animal, créant ainsi des « portraits musicaux » de toutes choses. Les chants Joik sont quelques fois constitués de textes compréhensibles, mais la plupart de ces chants sont constitués de syllabes répétées, de murmures, d’interjections, de cris d’animaux, le tout scandé sur une pulsation.
Malheureusement nous connaissons très peu la religion samie, car à partir du 17ème siècle et de façon plus cruelle au 18ème et 19ème siècle, les missionnaires et les colons chrétiens s’acharnèrent sur cette culture: Les tambours furent brûlés, les chants joik interdits et les samis convertis de force dans un christianisme puritain aux parois d’ordre et de morale inflexibles. Heureusement, grâce aux samis alcooliques qui brisaient l’interdit contre les chants samis en état d’ivresse, et grâce au travail ensuite de divers anthropologues et historiens, puis grâce aux artistes, cette pratique et cette religion ont pu renaître au milieu du 20ème siècle.
L’histoire de Mari Boine Persen ressemble à celle de son peuple: de l’oubli et la renaissance, entre le monde contemporain et le monde traditionnel, entre le monde des hommes et celui des esprits. Née dans une famille puritaine, elle repousse ses origines samies et son attrait pour la musique jusqu’à l’âge de 20 ans. Mais c’est d’abord la musique qui l’a attirée, durant son adolescence, grâce au travail d’un de ses professeurs, par l’intermédiaire de la radio et en chantant des psaumes dans son église. Elle découvre les chansons folk, le rock et elle prend plaisir à chanter à l’office. Ces univers musicaux qui lui rappelaient, « à un niveau inconscient, quelque chose d’oublié, quelque chose de profond, quelque chose de chamanique » (biographie officielle).
Une manifestation contre la construction d’une centrale électrique en territoire lapon lui fait soudain prendre conscience de son identité ethnique saami. Elle se met alors à redécouvrir ses identités culturelles, elle découvre le chant joik et les tambours chamaniques saamis, elle écrit ses textes et les chante.Ce qui sort d’elle produit des chansons d’un style pop-rock inspiré de John Lennon, de Otis Redding, et du joik bien-entendu. Son premier album « after the silence » transcrit ce sentiment d’une expression renouvelée alors qu’elle avait longtemps refoulé longtemps ses racines, sa culture, sa musique, son inconscient atavique. Elle traduit « Workin Class Hero » de Lennon en Sami et est repérée par le « the National theatre of the Sami people » pour qui elle crée une musique qui doit devenir la toile de fond d’une pièce de théâtre samie et féministe « Gula Gula – Hear the voices of the tribal mothers ».
C’est alors Peter Gabriel qui la repère et l’intègre dans son label « Real World », un label World Music. Mari Boine Persen devient l’ambassadrice de la culture samie et l’artiste norvégien le plus écouté après A-Ah! Forte de sa culture traditionnelle chamanique, mais aussi de son goût pour toutes les musiques, Mari Boine Persen veut explorer d’autres approches du joik. Avec « Gâvcci Jahkejuogu – Eight seasons » elle mêle son chant au jazz et à la musique électronique, et avec « Idjagiedas » elle mêle sa musique electronique, jazz, joik avec des influences musicales du monde en incorporant des instruments et des rythmes africains. Enfin dans « Čuovgga Áirras/Sterna Paradisea » elle fait appel à des chanteurs sud africains dont les voix chaudes et rauques viennent compléter sa voix cristalline et froide…
Elle réussi ainsi à mêler des textes engagés parlant de liberté, de féminisme, de culture et de reconnaissance, avec une musique fondamentalement chamanique, chaude et rauque, mais influencée par les musiques electro-acoustiques, pop-rock, et jazz les plus contemporaines, et aussi les influences d’autres musiques traditionnelles de tous les peuples de la Terre.
1 Comment
Très chouette article, il y avait longtemps que je n’avais pas écouté cette artiste. Surtout, je ne connaissais pas son parcours.